Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/246

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gouvernement. Cependant le choix des administrateurs était encore laissé aux actionnaires. — Le privilége était concédé pour quinze ans.

Dès l’année suivante, l’administration se trouva en lutte avec le gouvernement.

Rendons-nous compte d’abord de ce qu’est un emprunt du gouvernement fait à la Banque.

Le capital de la Banque est placé en rentes sur l’État pour servir de garantie à ses opérations. Ce n’est pas avec son capital que la Banque fait l’escompte, mais avec ses billets, lesquels ont pour gage, d’une part son portefeuille, de l’autre le numéraire qu’ils tendent à remplacer peu à peu dans la circulation, et qui vient s’entasser dans les caves de la Banque.

Un emprunt du gouvernement à la Banque, que la somme soit livrée en écus ou en billets, est donc un emprunt subrepticement fait au pays, avec la complicité, mais sous la caution toutefois de la Banque, qui livre au Pouvoir les espèces dont elle n’est que dépositaire, ou souscrit en sa faveur des billets à ordre dont elle n’a pas reçu la contre-valeur.

On conçoit, d’après cela, la répugnance de la Banque à se prêter à de semblables manœuvres, qui compromettent à la fois son crédit et son capital ; comme aussi les complaisances du Pouvoir, qui, pour prix de services aussi irréguliers, ne manque jamais de proroger le privilége de la Compagnie, et de soutenir le taux de l’intérêt.

Napoléon, non content d’emprunter au nom de l’État, voulait que ses fournisseurs trouvassent à la Banque un crédit illimité. La garantie des fournisseurs, c’était encore le crédit de l’État. Or, le gouvernement n’a point de capital ; il ne fait point d’affaires ; ses dépenses sont essentiellement de l’espèce appelée par les économistes improductives. Ses ressources proviennent de l’impôt ; il est toujours en avance sur l’avenir au moyen des emprunts. Le découvert de la Banque rendait la crise d’autant plus inévitable qu’il lui fallait augmenter le nombre de ses billets en circulation, pour faire face aux exigences gouvernementales.