Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/44

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l’industrie furent tout puissants : les rivalités mercantiles, la compétition des monopoles que procurait le gouvernement, la fureur des concussions, des subventions, des primes ; l’agiotage organisé avec protection et participation du pouvoir, plus que les victoires des deux Scipions, amenèrent la ruine de l’État. — Dans la vieille Égypte, la classe prépondérante paraît avoir été un corps de savants presque autant que prêtres : l’appropriation du savoir, le privilége des lumières, l’énorme distance qu’il créa entre la plèbe ouvrière superstitieuse et le sacerdoce savant et artiste, contribua, plus que toutes les invasions des barbares, à anéantir la société égyptienne. — Le moyen âge distingua, spécialisa toutes les facultés, fit de tout un privilége de corporation ou de caste. Mais bientôt le tiers-état, réunissant en soi toutes les facultés productrices, tandis que la noblesse et le clergé ne conservaient que la propriété du sol, le surplis et la cuirasse, devint maître de la société et de l’État, et expulsa de leurs biens les castes rivales. — Depuis 1789, le pêle-mêle, la fusion des facultés économiques, est passée en droit, et jusqu’à certain point en fait : tout citoyen a le droit d’être simultanément travailleur, capitaliste, entrepreneur, commerçant ou commissionnaire et spéculateur, et un certain nombre le sont en effet. Toutefois, la révolution de 1789 est loin encore d’avoir, sous ce rapport, produit toutes ses conséquences ; la fusion est à peine commencée, et les perturbations qu’éprouve depuis soixante-neuf ans notre état politique sont les symptômes de ce laborieux enfantement…

Quoi qu’il en soit, comme toute faculté, dans la société aussi bien que dans l’individu, doit avoir son expression et son organe, il était inévitable que la spéculation obtînt aussi le sien ; qu’elle eût son appareil, son lieu de manifestation, ses formules, son temple. La politique a ses palais, la religion ses églises, l’industrie ses manufactures et ses chantiers, le commerce ses ports, le capital ses banques : pourquoi la Spéculation serait-elle demeurée à l’état de pure abstraction ?

La Bourse est le temple de la Spéculation.