Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/62

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au traitant, s’est généralisée : elle frappe, comme une réprobation, le monde bourgeois. L’ouvrier, enfermé dans le cercle étroit des salaires, a deviné le secret de tant de scandaleuses opulences. Il ne se dit point que le patronat, qu’il déteste, a aussi ses amertumes ; que tout n’est pas vol dans la richesse acquise par des entreprises périlleuses, par des spéculations utiles, par une action loyale et intelligente des capitaux ; et qu’après tout, la modeste existence d’un ouvrier habile, rangé et irresponsable, vaut autant pour la réalité du bien-être que la fortune plus ou moins factice d’un entrepreneur consumé d’ennuis et de veilles. L’ouvrier enveloppe de sa haine socialiste tout ce qui dépasse sa condition, et qu’il s’est accoutumé, sans justice, mais par la faute des classes supérieures, à regarder comme ennemi.

La scission entre la bourgeoisie et le prolétariat, de jour en jour plus apparente, est, on peut le dire, irrévocable. Nous en avons dit les causes fatales : ce sont les abus qui accompagnent la Production dans ses quatre facultés essentielles, le Travail, le Capital, l’Échange, et, par dessus tout, la Spéculation. En traçant, d’une plume rapide, le rôle que le cours du siècle et la nécessité des choses imposent à la classe bourgeoise, nous avons indiqué sommairement aussi le remède au cataclysme révolutionnaire qui menace d’engloutir la France. L’objet de ce travail ne nous permet pas de pousser plus loin nos investigations.


Notre but, en offrant au public cet abrégé de la statistique spéculative, a été de servir les intérêts de toute nature que peuvent compromettre, sans qu’ils s’en doutent, les fluctuations boursières. Le rentier, qui vit sur la foi de son inscription ; l’actionnaire, qui compte sur son dividende ; le propriétaire foncier, dont l’avoir est tout en terres et en maisons ; le commerçant, dont la sécurité repose sur l’éventualité des bénéfices ; le père de famille, qui cherche, pour l’établissement de ses fils, pour la dot de ses filles, le placement le plus solide et le plus productif ; tous ceux dont la fortune est engagée, soit dans les fonds publics, soit dans les entreprises industrielles, soit dans des pro-