Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/90

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À ces motifs, les adversaires du monopole opposent, entre autres objections, celles-ci :

« Le négociant est meilleur juge que personne du degré de confiance à accorder aux intermédiaires qu’il emploie. Son intérêt est un contrôle autrement sérieux que la sollicitude du pouvoir.

» La statistique de la criminalité ne témoigne point d’une plus grande moralité chez les officiers publics que chez le commun des citoyens. Le privilége, en réunissant dans une seule main des intérêts considérables, offre, par le fait de cette concentration, un vif appât à l’escroquerie. Un sinistre commercial dans cette catégorie de fonctionnaires devient une véritable calamité publique.

« L’absence de concurrence permet aux privilégiés de prélever sur les spéculateurs des droits de courtage que le système de liberté réduirait de cent pour cent et plus.

« En principe, garanties illusoires et cherté des services, voilà le bilan du monopole.

« En fait, l’abondance des titres négociables serait un embarras pour les agents de change, si les courtiers-marrons ne faisaient presque toutes les valeurs des compagnies privées. La grande affaire des premiers, ce sont les grosses entreprises ; ils ne tiennent pas du tout à ouvrir un compte et à se déranger pour deux ou trois actions d’omnibus, d’assurances, d’asphalte ou de toute autre compagnie au mince capital de quelques millions et au-dessous. D’où il résulte que le système de liberté reçoit déjà un commencement d’application, avec l’approbation tacite de l’autorité et l’assentiment des spéculateurs. Il s’agit simplement de légaliser une position toute faite. »

Tel est l’état de la situation et de la controverse. Il appelle une solution sinon urgente, du moins prochaine. Si le gouvernement se prononce pour le maintien du privilége, il y aura certainement lieu à augmenter dans une proportion assez considérable le nombre des charges. Alors une autre question se présente : les nouveaux offices devraient-ils être concédés à titre gratuit ou à titre onéreux ?