Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/91

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L’administration se montre généralement très-libérale chaque fois qu’elle a affaire aux financiers. Les concessions de chemins de fer, le rachat des actions de jouissance des canaux, les emprunts, en sont autant de témoignages. Quand l’État veut racheter sa dette au moyen de l’amortissement, il le fait avec publicité et concurrence. Ainsi, tandis que les agioteurs manœuvrent pour faire hausser ou baisser, suivant leurs intérêts, le cours de la rente, le gouvernement, lui, s’interdit le droit de spéculer sur la dépréciation de son crédit ; un tableau placé à la Bourse indique chaque jour la somme en capital affectée au rachat de telle ou telle nature de fonds.

Nous ne serions pas surpris que de nouvelles charges d’agents de change fussent concédées gratuitement à des gens qui, dès le lendemain, trouveraient couramment de leurs titres quatre à cinq cent mille francs.

Nous croyons cependant qu’en fait de scrupules, il ne faut pas pousser le rigorisme jusqu’à devenir dupe. La loi autorise les officiers publics à présenter leurs successeurs : ce droit de présentation est tout simplement la vente de l’office. Les charges d’agents de change valent actuellement un million et demi de francs. Une réforme qui les porterait en nombre au double, les ferait sans doute baisser de prix, mais non de moitié ; car, ainsi que nous l’avons fait remarquer plus haut, les valeurs négociables ont tellement augmenté depuis une douzaine d’années, que la part de chacun serait encore très-belle dans cette nouvelle condition. Ajoutez que les transactions abandonnées aux courtiers sans qualité feraient retour aux agents officiels. Nous ne voyons pas pourquoi l’État s’interdirait de profiter du bénéfice de la création, et ne vendrait pas ses nouvelles investitures.

Ce serait immoral, dira-t-on ; ce serait sanctionner avec éclat la vénalité des charges, qui n’est jusqu’ici qu’implicitement reconnue. — L’immoralité procède alors du principe même du privilége et non de la qualité du vendeur. Comment ! on trouvera tout naturel qu’un particulier vende un million ce titre qui lui a été conféré gratuitement, et on se scandalisera que le gouvernement s’attribue le prix de sa