Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/140

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1o Say porte à l’avoir du médecin les 40,000 fr. qu’a coûté son éducation : ces 40,000 fr. doivent être portés à son débit. Car, si cette dépense a été faite pour lui, elle n’a pas été faite par lui : donc, bien loin de s’approprier ces 40,000 fr., le médecin doit les prélever sur son produit, et les rembourser à qui de droit. Remarquons, au reste, que Say parle de revenu, au lieu de dire remboursement, raisonnant d’après le faux principe que les capitaux sont productifs. Ainsi, la dépense faite pour l’éducation d’un talent est une dette contractée par ce même talent : par cela seul qu’il existe, il se trouve débiteur d’une somme égale à ce qu’il a coûté de produire. Cela est si vrai, si éloigné de toute subtilité, que si dans une famille l’éducation d’un enfant a coûté le double ou le triple de celle de ses frères, ceux-ci sont en droit d’exercer une reprise proportionnelle sur l’héritage commun avant de partager la succession. Cela ne souffre aucune difficulté dans une tutelle, lorsque les biens s’administrent au nom des mineurs.

2o Ce que je viens de dire de l’obligation contractée par le talent de rembourser les frais de son éducation, l’économiste n’en est point embarrassé : l’homme de talent, héritant de sa famille, hérite aussi de la créance de 40,000 fr. qui pèse sur lui, et en devient conséquemment propriétaire. Nous sortons du droit du talent pour retomber dans le droit d’occupation, et toutes les questions que nous avons posées au chapitre II se représentent : Qu’est-ce que le droit d’occupation ? qu’est-ce que l’héritage ? Le droit de succession est-il un droit de cumul, ou seulement un droit d’option ? De qui le père du médecin tenait-il sa fortune ? Était-il propriétaire, ou seulement usufruitier ? S’il était riche, qu’on explique sa richesse ; s’il était pauvre, comment a-t-il pu subvenir à une dépense si considérable ? s’il a reçu des secours, comment ces secours produiraient-ils en faveur de l’obligé un privilége contre ses bienfaiteurs ? etc.

3o « Restent 26,000 fr. pour le revenu du talent personnel donné par la nature. » (Say, supr. cit.) Partant de là, Say conclut que le talent de notre médecin équivaut à un capital de 260,000 fr. Cet habile calculateur prend une conséquence