Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/263

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préjugé : tous tant que nous sommes nous voulons un chef ou des chefs ; et je tiens en ce moment une brochure dont l’auteur, zélé communiste, rêve comme un autre Marat de la dictature. Les plus avancés parmi nous sont ceux qui veulent le plus grand nombre possible de souverains, la royauté de la garde nationale est l’objet de leurs vœux les plus ardents. Bientôt sans doute quelqu’un, jaloux de la milice citoyenne, dira : Tout le monde est roi ; mais quand ce quelqu’un-là aura parlé, je dirai, moi : Personne n’est roi ; nous sommes, bon gré malgré nous, associés. Toute question de politique intérieure doit être vidée d’après les données de la statistique départementale ; toute question de politique extérieure est une affaire de statistique internationale. La science du gouvernement appartient de droit à l’une des sections de l’Académie des sciences, dont le secrétaire perpétuel devient nécessairement premier ministre ; et puisque tout citoyen peut adresser un mémoire à l’Académie, tout citoyen est législateur ; mais, comme l’opinion de personne ne compte qu’autant qu’elle est démontrée, personne ne peut mettre sa volonté à la place de la raison, personne n’est roi.

Tout ce qui est matière de législation et de politique est objet de science, non d’opinion : la puissance législative n’appartient qu’à la raison, méthodiquement reconnue et démontrée. Attribuer à une puissance quelconque le droit de veto et de sanction est le comble de la tyrannie. Justice et légalité sont deux choses aussi indépendantes de notre assentiment que la vérité mathématique. Pour obliger, il leur suffit d’être connues ; pour se laisser voir, elles ne demandent que la méditation et l’étude. Qu’est-ce donc que le peuple, s’il n’est pas souverain, si ce n’est pas de lui que découle la puissance législative ? Le peuple est le gardien de la loi, le peuple est le pouvoir exécutif. Tout citoyen peut affirmer : Ceci est vrai, cela est juste ; mais sa conviction n’oblige que lui : pour que la vérité qu’il proclame devienne loi, il faut qu’elle soit reconnue. Or, qu’est-ce que reconnaître une loi ? c’est vérifier une opération de mathématique ou de métaphysique ; c’est répéter une expé-