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parées sans que l’objet soit détruit, il est nécessaire ou que la société soit déshéritée, ou que le travailleur perde le fruit de son travail ;

« Attendu que, dans tout autre cas, la propriété de la matière emporterait la propriété de ce qui s’y joint par accession, sauf dédommagement ; mais que, dans l’espèce, c’est la propriété de l’accessoire qui doit emporter celle du principal ;

« Le droit d’appropriation par le travail ne sera point admis contre les particuliers ; il n’aura lieu que contre la société. »

Telle est la manière constante dont les jurisconsultes raisonnent, relativement à la propriété. La loi est établie pour fixer les droits des hommes entre eux, c’est-à-dire, de chacun envers chacun, et de chacun envers tous ; et, comme si une proportion pouvait subsister avec moins de quatre termes, les jurisconsultes ne tiennent jamais compte du dernier. Tant que l’homme est opposé à l’homme, la propriété fait contre-poids à la propriété, et les deux forces s’équilibrent : dès que l’homme est isolé, c’est-à-dire opposé à la société que lui-même il représente, la jurisprudence est en défaut, Thémis a perdu un bassin de sa balance.

Écoutez le professeur de Rennes, le savant Toullier :

« Comment cette préférence, acquise par l’occupation, put-elle devenir une propriété stable et permanente, qui continuât de subsister, et qui pût être réclamée après que le premier occupant avait cessé de posséder ?

« L’agriculture fut une suite naturelle de la multiplication du genre humain, et l’agriculture, à son tour, favorisa la population, et rendit nécessaire l’établissement d’une propriété permanente ; car, qui voudrait se donner la peine de labourer et de semer, s’il n’avait la certitude de recueillir ? »

Il suffisait, pour tranquilliser le laboureur, de lui assurer la possession de la récolte : accordons même qu’on l’eût maintenu dans son occupation territoriale, tant que par lui-même il aurait cultivé ; c’était tout ce qu’il avait droit d’at-