Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/111

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posséder la moindre parcelle d’or, de neutraliser la puissance de l’or, d’opérer le change de toutes les valeurs, et de tirer le revenu net de quelques milliards de capitaux !

Telle fut, selon nous, la série de raisonnements par laquelle le fameux Law fut conduit à l’idée de sa banque royale, laquelle, sans avoir à son début rien en caisse, appuyée seulement (pour donner corps à l’idée) sur une exploitation gigantesque du Mississipi, devait escompter tout le papier du commerce, et, par la mise en circulation de ses billets substitués peu à peu au numéraire, autant que par les actions qu’elle délivrait en échange des espèces, attirer toutes les richesses métalliques du royaume dans les coffres de l’état. Law, entraîné par la logique de ses idées, et rassuré d’ailleurs sur la moralité de son système par la haute garantie de l’état, dont la capacité de donner crédit sans offrir de gage réel était pour lui un sujet de méditation journalière, Law prit-il au sérieux sa folle conception, ou bien ne faut-il voir en lui qu’un audacieux escroc ? Voilà ce que, sur le simple exposé de cette mirifique aventure, je n’oserais décider. Ce qui est certain, c’est que ni Law ni personne de son temps ne possédait à fond la théorie du crédit, pas plus qu’aujourd’hui les économistes n’entendent la philosophie de l’économie politique. Et si quelque chose peut excuser Law, c’est la bonne foi, c’est l’admirable étourderie avec laquelle les économistes, sans y voir rien, poursuivent leurs utopies de libre commerce, de concurrence illimitée, d’impôt progressif et équitable, d’organisation du crédit, etc., c’est-à-dire la négation du monopole par l’affirmation du monopole.

Quoi qu’il en soit du système de Law, il demeure acquis à la science que, dans la théorie du crédit, l’emploi de l’argent conduit au non-emploi de l’argent ; et c’est encore par une application de cette théorie qu’un économiste célèbre, David Ricardo, a créé un autre système de circulation et d’escompte, duquel la monnaie se trouve complètement exclue. Ainsi donc, au point de départ, nous avons la banque de dépôt, c’est-à-dire un système dans lequel, pour délivrer au négociant des espèces, la banque commence par lui demander les espèces qu’il a, ce qui implique nullité de crédit pour quiconque ne possède point d’argent : absurdité. A l’autre côté de la théorie, nous avons la banque de circulation, c’est-à-dire un système dont le dernier mot est que pour faire de l’argent il suffit d’un carré de papier dont la valeur est nulle : absurdité.