Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/112

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Cette absurdité ressort bien davantage si, remontant au principe de la monnaie, à la théorie de la constitution des valeurs, on généralise le principe de la banque de circulation, en l’appliquant à toute espèce de produits. De même en effet que le banquier peut tirer une lettre de change sur lui-même et faire entrer de la sorte dans le commerce une valeur fictive, admise cependant comme réelle ; de même tout entrepreneur d’industrie, tout commerçant peut, à l’aide d’un compère, tirer une lettre de change pour des livraisons qu’il n’a point faites, pour des produits qu’il ne possède même pas : si bien qu’avec ce mécanisme, les billets de banque se multipliant à fur et mesure de la demande du commerce, un état pourrait arriver à un mouvement d’affaires de plusieurs centaines de milliards, sans avoir produit et sans posséder un centime de valeur. Cette application du principe de la banque d’escompte est fréquente dans le commerce, où on la désigne par le mot de circulation, terme impropre, mais que l’on est convenu d’employer pour caractériser la position d’un homme qui fait de l’argent avec des fictions et recourt aux derniers moyens. Les émissions réitérées d’assignats, sous la république, ne furent pas autre chose.

Or, depuis près d’un siècle qu’on a entrevu plutôt qu’on n’a compris la contradiction de ce mécanisme, on n’a su encore y remédier, comme à tant d’autres inconvénients de l’économie politique, que par un compromis entre les extrêmes.

On a cumulé les deux modes d’opération, et toute l’habileté consiste à se tenir dans un juste milieu. Ainsi, il est entendu, et les économistes ne franchissent pas cette enceinte, qu’une banque, fonctionnant à la fois comme banque de dépôt et comme banque de circulation et d’escompte, peut très-bien, sans s’exposer, émettre des billets jusqu’à concurrence du quart ou du tiers en sus de ses valeurs métalliques. Là s’arrête la routine, l’économie politique ne va pas plus loin.

Restait donc à essayer une troisième combinaison du crédit, c’est-à-dire un troisième mode de procurer la circulation des valeurs non constituées, par l’intermédiaire de l’argent. Car, puisqu’il existe opposition entre les deux premiers modes, opposition que l’ambigu économique ne résout pas, c’est signe qu’il doit se trouver un troisième terme qui, conciliant les deux autres, les complète et les perfec-