Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/300

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

économistes se réfugient dans le giron de la foi, qu’ils interprètent et modifient au sens des théories malthusiennes ; les magistrats rendent grâce à Dieu de l’élection surnaturelle et providentielle de Pie IX, tout en protestant de leur dévouement aux libertés gallicanes ; l’opposition dynastique et le parti conservateur, M. de Lamartine entre deux, ne respirent que religion et piété ; l’Univereité dit son Credo, et se prétend plus fidèle que l’Église ; on dit même que l’homme rouge se remontre aux Tuileries,

Baisant la terre, et puis ensuite
Mettant un chapeau de jésuite !…

La communauté est donc une religion : mais quelle religion ?

En philosophie, le communisme ne pense ni ne raisonne ; il a horreur de la logique, de la dialectique et de la métaphysique ; il n’apprend pas, il croit. En économie sociale, le communisme ne compte ni ne calcule ; il ne sait ni organiser, ni produire, ni répartir ; le travail lui est suspect, la justice lui fait peur. Indigent par lui-même, incompatible avec toute spécification, toute réalisation, toute loi ; empruntant ses idées aux plus vieilles traditions, vague, mystique, indéfinissable ; prêchant l’abstinence en haine du luxe, l’obéissance en crainte de la liberté, le quiétisme en horreur de la prévoyance : c’est la privation partout, la privation toujours. La continuité, lâche et énervante, pauvre d’invention, pauvre d’exécution, pauvre de style, la communauté est la religion de la misère.

Je viens de nommer le luxe. L’économie politique n’ayant rien donné de précis à cet égard, l’utopie n’avait rien à prendre, et M. Cabet s’est trouvé au dépourvu. M. Cabet donc, nouvel Alexandre tranchant le nœud gordien, a pris bravement son parti : il a proscrit le luxe. Point de luxe ! à bas les modes et les parures ! Les femmes porteront des plumes artificielles ; les diamants seront remplacés par des verroteries ; les riches tapis, les meubles précieux, comme les chevaux et les voitures, appartiendront à l’état : ce qui ne fera pas de jaloux. Le costume sera réglé une fois pour toutes par conseil souverain. Les habits, taillés sur une vingtaine de patrons, seront élastiques comme caoutchouc, afin de dessiner la taille et de conserver en tout temps la juste mesure. A quoi bon perdre le travail et la fortune publique à ces fantaisies indécentes, créées |)our l’orgueil et la corruption ?…