Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/366

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nible de la civilisation, sans un accroissement de richesse, c’est-à-dire sans une augmentation incessante de labeur, physique ou intellectuel ? Comment refouler le paupérisme en diminuant la production et augmentant le prix des choses ? Lorsque le prolétaire, excité par des meneurs dont l’ignorance semble un titre de plus à la popularité, aura, par le chômage, créé la cherté et la disette, qui est-ce qui payera pour lui ? Que si, dans la situation extrême où nous nous trouvons, toute augmentation de salaire, et par suite toute diminution du prix des choses est devenue impossible, n’est-ce point un signe que la révolution est proche, et que la retraite nous est fermée ?…

J’eusse voulu m’étendre davantage sur ce fait grandiose et vraiment prophétique de l’aggravation incessante du travail : mais le temps me presse, et, si je ne me trompe, le lecteur attend de moi bien plus une solution qu’une démonstration en forme. La démonstration, il se chargera de la faire…… Si donc c’est une loi de l’économie sociale, que le travail. par le fait même de sa division et par le secours qu’il reçoit des machines, au lieu de se réduire pour l’homme s’aggrave toujours, notre vie étant limitée, nos ans et nos jours comptés, il s’ensuit que toujours plus de temps nous est demandé pour une même augmentation de valeur ; que la période nécessaire au quadruplement de la richesse et au doublement de la population s’allonge indéfiniment, et qu’il vient une heure où la société, en marchant toujours, reste stationnaire.

Mais comment le ralentissement de la production, amené par l’accroissement du travail, se reporte-t-il sur la population ? C’est ce qui nous reste à examiner.

Un premier fait paraît établi : la même force, le même principe de vie qui préside à la création des valeurs, préside aussi à la reproduction de l’espèce. Le langage primitif témoigne de l’intuition de l’humanité à cet égard : le même mot, dans la Bible, sert à exprimer les produits du travail et de la génération : Istœ sunt generationes cœli et terræ, voici les faits du ciel et de la terre ; Hœ sunt generationes Jacob, voici les actes de la vie de Jacob, etc. La langue française a conservé cette métaphore dans la double accetion du nom pluriel œuvres, qui se dit, comme le latin generatio et l’hébreu ialad, du travail et de l’amour. Le vieux mot besogner, pris dans un sens obscène, dérive de la même idée. La parenté du travail et de l’amour se montre plus profonde