Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/50

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et métamorphose des deux tiers de la nation en caste indigente : voilà ce qu’ont valu à l’Angleterre ses conquêtes industrielles. En vain l’on s’efforce, par une théorie absurde, de donner le change aux esprits et de dissimuler la cause du mal ; en vain une intrigue puissante, sous le masque du libéralisme, cherche à entraîner les nations rivales dans une mêlée désastreuse : les faits restent pour l’instruction des sociétés, et il suffira toujours de faire l’analyse de ces faits pour se convaincre que toute infraction à la justice frappe le brigand en même temps que la victime.

Que dirai-je plus ? les partisans du libre monopole n’ont pas même la satisfaction de pouvoir suivre leur principe jusqu’à la fin, et leur théorie aboutit à la négation d’elle-même.

Supposons qu’à la suite de l’abolition des droits sur les céréales, l’Angleterre, entrant dans la voie de notre grande révolution, ordonnât la vente de tous les domaines, et que le sol, aujourd’hui aggloméré dans les mains d’une imperceptible minorité, se partageât entre les quatre ou cinq millions d’habitants qui forment l’importance de sa population agricole. Assurément ce procédé, déjà prévu par quelques économistes, serait le meilleur pour délivrer pendant un temps l’Angleterre de son affreuse misère, et un heureux supplément de workhaus. Mais, cette grande mesure révolutionnaire opérée, si le marché anglais continuait comme par le passé à être ouvert aux céréales et autres produits agricoles du dehors, il est sensible que les nouveaux propriétaires, forcés de vivre sur leurs terres, d’en tirer pain, orge, viande, laitage, œufs et légumes, et ne pouvant pas échanger ou n’échangeant qu’à perte, puisque leur production coûterait plus cher que celle des objets de même nature importés de l’étranger, ces propriétaires, dis-je, s’arrangeraient, comme autrefois nos paysans, de manière à n’acheter rien, et à produire par eux-mêmes tout ce dont ils auraient besoin. Les barrières seraient abolies ; mais la population rurale s’abstenant, ce serait comme si elles ne l’étaient pas. Or, il ne faut pas beaucoup de pénétration pour voir que telle a été la cause première du régime protecteur : les économistes, avec leurs chiffres et leur éloquence, pourraient-ils dire comment ils pensent échapper à ce cercle ?…

L’essence de la monnaie méconnue ; les effets de la hausse et de la baisse sur l’argent comparés sans aucune intelligence aux effets de la hausse et de la baisse sur les marchandises ; l’influence des monopoles sur la valeur des produits