Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/58

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Vous n’avez ni vu, ni entendu, ni compris ce qui est arrivé ; et vous parlez avec la certitude d’un prophète de ce qui arrivera. Vous demandez pourquoi on n’abolirait pas les douanes au dehors comme au dedans ! Je vais répondre à votre question en trois mots : c’est qu’il n’existe entre les peuples ni communauté de monopoles, ni communauté de charges, et que chaque pays a suffisamment de la misère développée dans son sein par ses monopoles et ses impôts, sans l’aggraver encore par l’action des monopoles et des impôts de l’étranger.

J’ai suffisamment parlé de l’inégalité qui résulte entre les nations du monopole de leurs territoires respectifs ; je me bornerai donc à considérer ici la question du libre commerce au point de vue de l’impôt.

Tout service utile qui se produit dans une société policée arrive à la consommation grevé de certains droits fiscaux représentant la part proportionnelle que ce produit supporte dans les charges publiques. Ainsi, une tonne de houille, expédiée de Saint-Étienne à Strasbourg, coûte, tous frais compris, 30 fr. Sur ces 30 francs, 4 représentent l’impôt direct, appelé droit de navigation, que doit payer le produit houille pour aller de Saint-Étienne à Strasbourg. Mais la somme de 4 francs ne représente pas toutes les charges que paye une tonne de houille ; il y a encore d’autres frais, que j’appellerai l’impôt indirect de la houille, et qu’il convient aussi de porter en compte. En effet, la somme de 26 francs, qui forme le complément de la valeur totale de la houille rendue à Strasbourg, se compose en entier de salaires, depuis l’intérêt payé au capitaliste exploitant la mine, jusqu’au relayeur et aux mariniers qui conduisent le bateau à destination. Or, ces salaires, décomposés à leur tour, se divisent également en deux parties : l’une qui est le prix du travail, l’autre qui représente la part contributive de chaque travailleur dans l’impôt. Si bien qu’en poussant cette décomposition aussi loin qu’elle puisse aller, on trouverait peut-être qu’une tonne de houille vendue 30 francs, est grevée par le fisc du tiers environ de sa valeur commerciale, soit 10 francs.

Est-il juste que le pays, après avoir grevé ses producteurs de frais extraordinaires, achète leurs produits de préférence à ceux des producteurs étrangers qui ne lui payent rien ? — Je défie qui que ce soit de répondre non.

Est-il juste que le consommateur strasbourgeois, qui pour-