Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/59

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rait avoir la houille de Prusse à 25 francs, soit obligé de s’approvisionner en France où il paye 30, ou d’acquitter, pour obtenir la houille de Prusse, un nouveau droit ?

Ceci revient à demander : Le consommateur strasbourgeois appartient-il à la France ? jouit-il des droits attachés à la qualité de Français ? produit-il lui-même pour la France et sous la protection de la France ?… Donc, il est solidaire de tous ses compatriotes ; et comme leur clientèle lui est acquise sous l’égide de la société française, de même sa consommation personnelle fait partie de leur débouché. Et cette solidarité est inéluctable ; car, pour qu’elle cessât d’exister, il faudrait commencer par supprimer le gouvernement, supprimer l’administration, l’armée, la justice et tous leurs accessoires, et rétablir les industriels dans leur état de nature : ce qui est évidemment impossible. C’est donc la communauté des charges, c’est la condition économique de la société française qui nous oblige à faire groupe contre l’étranger, si nous ne voulons perdre dans un commerce insoutenable notre capital national. Je défie de nouveau qui que ce soit d’opposer rien à ce principe de la solidarité civique.

Lors donc que les douanes intérieures ont été abolies en France, sans parler de l’accroissement du paupérisme qui a été l’un des résultats principaux de la centralisation des monopoles nationaux, et qui diminue de beaucoup les avantages de la liberté du commerce entre les quatre-vingt-six départements, il y a eu, entre ces mêmes départements, répartition proportionnelle de l’impôt et communauté de charges. En reste que les riches localités payant plus, et les pauvres moins, une certaine compensation s’est faite entre les provinces. Il y a eu, comme toujours, accroissement de richesse et progrès de misère ; mais du moins tout a été réciproque.

Rien de pareil ne saurait avoir lieu entre les nations du globe, aussi longtemps qu’elles seront divisées de gouvernements et insolidaires. Les économistes n’ont pas sans doute la prétention de faire la guerre aux princes, de renverser les dynasties, de réduire les gouvernements à la fonction de sergents de ville, et de substituer à la distinction des états la monarchie universelle ; mais bien moins encore savent-ils le secret d’associer les peuples, c’est-à-dire de résoudre les contradictions économiques et de soumettre au travail le capital. Or, à moins de réunir toutes ces conditions, la liberté du commerce n’est qu’une conspiration contre les nationalités et contre les classes travailleuses : je serais heureux que