Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/74

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les producteurs du pays B demandent à échanger leur blé contre le blé du pays A. Il est clair que si un hectolitre de blé est donné pour un hectolitre de blé, ce seront deux journées de travail qui auront été données pour une. L’effet, il est vrai, quant à la consommation, sera nul ; par conséquent, il n’y aura de perte réelle d’aucun côté. Mais faites que la valeur incorporée dans les deux quantités puisse en être dégagée, soit sous la forme d’une autre utilité, soit sous celle de monnaie ; comme toutes les valeurs productives par B sont proportionnelles à la valeur de ses céréales ; comme d’autre part, la monnaie nationale qu’il livre, il ne peut la refuser en aucun payement lorsqu’elle lui sera présentée, l’échange, qui d’abord par la similarité des produits n’était qu’une comparaison sans réalité, cet échange devient effectif, et B perd véritablement 50 pour 100 sur toutes les valeurs qu’il met dans son commerce avec A. L’échange, cet acte pour ainsi dire tout métaphysique, tout algébrique, est l’opération par laquelle dans l’économie sociale une idée prend un corps, une figure, et toutes propriétés de la matière : c’est la création de nihilo.

Les conséquences peuvent variera l’infini. Supposons que les producteurs de A obtiennent la faculté de venir sur le marché de B faire concurrence aux producteurs de celui-ci ; chaque hectolitre de blé qu’ils vendront leur rapportant un bénéfice de 50 pour 100, c’est-à-dire la moitié du produit annuel de B, il suffira de vingt ou trente ans au pays A pour conquérir, d’abord les valeurs circulantes, puis, à l’aide de celles-ci, les valeurs engagées, et finalement, les capitaux fonciers de son rival.

Or, voilà ce que le sens commun des nations n’a pas voulu. Elles ont admis dans la pratique que les moins favorisées parmi elles n’avaient pas le droit de demander compte aux plus heureuses de l’excédant de leur rente : il y avait à cette modération des raisons qu’il est inutile en ce moment de déduire, et que chacun d’ailleurs, en y réfléchissant, découvrira. Mais lorsqu’il s’est agi de commerce, chacune s’est mise à calculer ses prix de revient et ceux de ses rivales ; et c’est d’après ce calcul que toutes se sont fait des tarifs de bonifications, hors desquels elles ne doivent, ne peuvent consentir à l’échange : Voilà le vrai principe, la philosophie de la douane ; et voilà ce que les économistes ne veulent pas.

Je ne ferai point à mes lecteurs l’injure de leur démontrer