Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 2, Garnier, 1850.djvu/75

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plus au long la nécessité de cette loi d’équilibre, vulgairement appelée balance du commerce. Tout cela est d’une simplicité, d’une trivialité à faire rougir un enfant. Quant aux économistes, je les suppose assez bon comptables pour n’avoir pas besoin d’une paraphrase.

N’est-il pas vrai maintenant que les tarifs de douane, oscillant sans cesse de la prohibition absolue à l’entière franchise, selon les besoins de chaque pays, les lumières des gouvernements, l’influence des monopoles, l’antagonisme des intérêts et la méfiance des peuples, convergent néanmoins vers un point d’équilibre, et, pour employer le terme technique, vers un droit différenciel, dont la perception, s’il était possible de l’obtenir rigoureuse et fidèle, exprimerait l’association réelle, l’association in re des peuples, et serait la stricte exécution du principe économique de Say ?

Et si nous, socialistes trop longtemps dominés par nos chimères, nous venions à bout, par notre logique, de généraliser le principe protecteur, le principe de la solidarité, en le faisant descendre des états aux citoyens ; si, demain, résolvant d’une façon aussi limpide les antinomies du travail, nous parvenions, sans autre secours que celui de nos idées, sans autre puissance que celle d’une loi, sans autre moyen de coërcition et de perpétuité qu’un CHIFFRE, à soumettre pour jamais le capital au travail, n’aurions-nous pas singulièrement avancé la solution du problème de notre époque, de ce problème appelé, à tort ou à raison, par le peuple et par des économistes qui se rétractent, organisation du travail ?

Les économistes s’obstinent à ne voir dans la douane qu’une interdiction sans motifs, dans la protection qu’un privilège, dans le droit différenciel qu’un premier pas vers la liberté illimitée. Tous, sans exception, s’imaginent que comme de la prohibition absolue à la liberté sous caution il s’est effectué un progrès qui a eu d’heureux résultats, ces résultats ne feront que s’accroître, lorsque, par un nouveau progrès, tous les droits auront été levés, et que le commerce, c’est-à-dire le monopole, sera délivré de toutes ses entraves. Tous nos députés, nos journalistes, nos ministres même, partagent cette déplorable illusion ; ils prennent pour progrès le mouvement logique d’une négation à une autre négation, le passage de l’isolement volontaire à l’abandon de soi-même. Ils ne comprennent pas que le progrès est la résultante de deux termes contradictoires ; ils ont peur de s’arrêter en chemin et d’être traités de justes-milieux, ne sachant