Page:Proust - À la recherche du temps perdu édition 1919 tome 4.djvu/133

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la calèche de Mme  de Villeparisis, nous apercevions tout le jour et sans jamais l’atteindre la fraîcheur de sa molle palpitation.

Mme  de Villeparisis faisait atteler de bonne heure, pour que nous eussions le temps d’aller soit jusqu’à Saint-Mars-le-Vêtu, soit jusqu’aux rochers de Quetteholme ou à quelque autre but d’excursion qui, pour une voiture assez lente, était fort lointain et demandait toute la journée. Dans ma joie de la longue promenade que nous allions entreprendre, je fredonnais quelque air récemment écouté, et je faisais les cent pas en attendant que Mme  de Villeparisis fût prête. Si c’était dimanche, sa voiture n’était pas seule devant l’hôtel ; plusieurs fiacres loués attendaient, non seulement les personnes qui étaient invitées au château de Féterne chez Mme  de Cambremer, mais celles qui plutôt que de rester là comme des enfants punis déclaraient que le dimanche était un jour assommant à Balbec et partaient dès après déjeuner se cacher dans une plage voisine ou visiter quelque site, et même souvent, quand on demandait à Mme  Blandais si elle avait été chez les Cambremer, elle répondait péremptoirement : « Non, nous étions aux cascades du Bec », comme si c’était là la seule raison pour laquelle elle n’avait pas passé la journée à Féterne. Et le bâtonnier disait charitablement :

— Je vous envie ; j’aurais bien changé avec vous, c’est autrement intéressant.

À côté des voitures, devant le porche où j’attendais, était planté comme un arbrisseau d’une espèce rare un jeune chasseur qui ne frappait pas moins les yeux par l’harmonie singulière de ses cheveux colorés, que par son épiderme de plante. À l’intérieur dans le hall qui correspondait au narthex, ou église des Catéchumènes, des églises romanes, et où les personnes qui n’habitaient pas l’hôtel avaient le droit de passer, les camarades du groom « extérieur » ne travaillaient