Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/140

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gêner la vue. « C’est tout le contraire, répliqua-t-il ; sachez que ce chapeau n’a point de forme tout autour, et qu’accommodé ainsi, l’on n’en voit rien. » En achevant ces mots, il tira plus de vingt réaux et autant de lettres, pour chacune desquelles on devait payer un réal de port. C’était lui-même qui écrivait ces lettres et il y mettait la signature qu’il jugeait à propos. Il mandait aux personnes les plus qualifiées des nouvelles qu’il inventait ; il les remettait ensuite à leur adresse et en recevait le port. Mais il nous dit n’avoir pu rendre celles-ci. Il faisait ce manège tous les mois. J’avoue que je fus étonné de voir ce nouveau genre de vie.

Sur ces entrefaites entrèrent deux autres chevaliers. L’un avait mis une robe de drap qui descendait jusqu’aux genoux, le manteau de même, et la fraise levée pour qu’on ne vît pas la grosse toile qui était déchirée. Les culottes à la suisse qu’il portait étaient de camelot dans la partie seulement qui restait découverte, tout le reste étant de serge de couleur. Il venait en se querellant avec un autre qui avait, au lieu d’une fraise, une espèce de rabat extrêmement large, plat et long. Il portait des manches larges, parce qu’il n’avait pas de manteau, et une béquille à laquelle était liée une jambe couverte de peaux, faute d’avoir plus d’une chaussure. Le dernier se donnait pour soldat et l’avait été, mais mauvais et dans des endroits pacifiques. Il racontait des exploits étonnants qu’il s’attribuait, et sous le titre de soldat il avait ses entrées partout. L’autre lui disait :