Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il cherchait à lui inspirer du goût pour lui, en s’asseyant auprès d’elle pour faire la conversation et en poussant plus de soupirs qu’une béate à un sermon de carême. Il chantait mal, et était toujours en dispute à ce sujet avec le Catalan.

Celui-ci était la créature la plus insupportable que Dieu ait créée. Semblable aux fièvres tierces, il ne mangeait que de trois jours en trois jours, encore était-ce du pain si dur qu’un médisant, malgré sa dent tranchante, n’aurait pu y mordre. Il se donnait pour brave et il ne lui manquait, pour être une poule mouillée, que de pondre des œufs, tant il avait de caquet.

Comme ils virent tous deux que je faisais tant de progrès, ils s’avisèrent de mal parler de moi. Le Portugais disait que j’étais un pouilleux, un coquin, un pauvre malheureux ; le Catalan me traitait de lâche, d’homme vil. Je savais tout cela, je l’entendais même quelquefois ; mais je ne me sentais pas l’envie d’y répondre.

En dépit d’eux, la jeune fille me parlait et recevait mes billets doux. Je commençais comme c’est l’ordinaire : je m’excusais de ma témérité, je célébrais son extrême beauté, je lui exagérais le feu dont j’étais embrasé ; je lui parlais de mes peines ; je me déclarais son esclave et je cachetais avec le cœur percé d’une flèche. Enfin nous en vînmes à nous tutoyer.

Pour accréditer davantage ma qualité, je sortis un jour de la maison, je louai une mule, puis je revins