Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/184

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« Résistance ! » Deux de ses domestiques, qui valaient bien des archers et des crocheteurs, jetèrent aussitôt leurs manteaux bas et détachèrent leurs fraises, comme ces gens-là ont coutume de faire pour annoncer une batterie qu’il n’y a pas eu, en demandant main-forte au nom du roi. Cependant mes deux co-locataires m’ôtèrent mes liens et le greffier, ne voyant venir personne à son secours, dit : « Jarnibleu ! pareille chose ne se peut faire avec moi ; et si vous n’étiez pas, Messieurs, ce que vous êtes, il pourrait vous en coûter cher. Que l’on contente seulement ces témoins ; car pour moi je veux que vous voyiez que je vous sers pour rien. » Je n’eus pas de peine à comprendre qu’il fallait en passer par là : ainsi je tirai huit réaux, et je les lui remis. J’eus aussi envie de lui rendre les coups qu’il m’avait donnés, mais je n’en fis rien, pour ne pas me vanter de les avoir reçus, et je les emportai avec moi.

Je remerciai fort mes libérateurs, et je m’en allai avec eux, ayant le visage tout rouge à force de gourmades et les épaules moulues de coups de bâton. Le Catalan se moquait fort de moi. Il disait à la fille de notre maison de m’épouser, pour qu’on ne m’appliquât pas le proverbe : Cocu et battu ; à moins que ce ne fût en le renversant et mettant battu avant cocu. Il me traitait de résolu et d’épousseté par les coups. Ces équivoques me déplaisaient fort. Si j’allais leur faire visite, ils parlaient aussitôt de gaules, et d’autres fois de bois et de bâton.

Honteux et las de ces insultes, indignes d’un homme