Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/185

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qui s’était fait le renom d’être riche, je commençai à projeter de quitter la maison, et d’emporter mon bagage, sans payer ni nourriture, ni lit, ni loyer, ce qui se montait à quelques réaux. Pour cet effet, je convins avec un licencié nommé Brandelagas, natif de Hornillos, et avec deux autres de ses amis, qu’ils viendraient une nuit m’enlever. Rendus en conséquence à la maison au temps que nous fixâmes, ils notifièrent à l’hôtesse qu’ils étaient envoyés par le Saint-Office et qu’il fallait du secret. Comme je m’étais donné à la mère et à sa fille pour nécromancien, tout le monde trembla. Tant qu’il ne fut question que de m’emmener, elles ne soufflèrent mot ; mais quand elles virent qu’on se disposait à emporter mes effets, elles voulurent y former opposition pour ce que je leur devais. On leur répondit que c’étaient des biens de l’Inquisition et alors personne n’osa souffler. Elles les laissèrent sortir et demeurèrent tranquilles, en disant qu’elles l’avaient toujours appréhendé. Elles racontèrent au Portugais et au Catalan quels étaient les gens qui venaient me demander, ajoutant que c’étaient des démons, et que j’avais un esprit familier. Quand elles leur parlaient de l’argent que j’avais compté, elles disaient qu’il semblait que ce fût de l’argent, mais que ce n’en était en aucune manière. Enfin elles se persuadèrent tout cela et moi je m’en allai avec mon bagage et ma nourriture franche.

Je concertai avec ceux qui m’avaient aidé, de changer d’habillement et de prendre une culotte ouvragée