Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/201

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ferai-je ? » Je ne savais si je devais aller à leur recherche, ou les dénoncer à la justice. Ce dernier parti ne me paraissait pas convenable, parce que si on les avait arrêtés, ils n’auraient pas manqué de révéler l’aventure de mon déguisement en bénédictin, et plusieurs autres choses qui auraient pu me conduire où mon père avait fini. Pour les suivre, il aurait fallu savoir la route qu’ils avaient prise, et je l’ignorais. Enfin, pour ne pas perdre aussi le mariage que j’avais en vue, regardant la dot comme une excellente ressource, je me déterminai à rester, et je résolus de le presser fortement.

Après avoir dîné, je pris mon cheval de louage, et j’allai vers la rue de ma prétendue. Comme je n’avais point de laquais, et que je ne voulais point m’y promener sans paraître en avoir, j’attendais au coin de la rue, avant que d’y entrer, qu’il passât quelque homme qui en eût l’air. Pour lors j’allais derrière lui, et je le rendais ainsi laquais sans qu’il le sût. Arrivé au bout de la rue, je me cachais derrière la maison qui faisait l’encoignure, jusqu’à ce qu’il vînt un autre homme que l’on pût encore prendre comme tel, et puis je faisais une autre promenade en usant de la même ruse.

Cependant je ne sais si ce fut par la force de la conviction que j’étais réellement ce coquin que Don Diégo soupçonnait, ou par une suite du doute qui pouvait lui être resté, touchant le cheval et le laquais de l’avocat, ou pour quelque autre raison, qu’il chercha à savoir précisément qui j’étais et comment je