Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/202

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vivais. Il est certain qu’il m’épiait, et qu’il découvrit à la fin la vérité par la voie la plus extraordinaire du monde. Je travaillais avec ardeur à hâter mon mariage, par des billets doux, lorsque Don Diégo, fortement persécuté par ses cousines, qui voulaient aussi finir, rencontra, un jour qu’il allait me chercher, le licencié Flechilla, le même qui m’invita à dîner dans le temps que j’étais avec les chevaliers d’industrie. Celui-ci, piqué contre moi de ce que je n’étais pas retourné le voir, lui raconta, en causant avec lui, et sachant que j’avais été son domestique, de quelle manière il m’avait rencontré, qu’il m’avait emmené dîner avec lui, qu’il n’y avait pas deux jours qu’il m’avait vu à cheval et très bien mis, et que je lui avais dit alors que j’allais faire un très riche mariage.

Don Diégo, content de ce qu’il venait d’apprendre, reprit sur-le-champ la route de sa maison, mais proche de la Porte du Soleil, il fit la rencontre des deux chevaliers à croix et à chaîne avec lesquels j’étais lié d’amitié. Il leur fit le récit de ce qui se passait et il les invita à se préparer à me bien rosser, quand ils me trouveraient la nuit dans la rue, en les prévenant qu’ils me reconnaîtraient à son manteau que j’aurai. Après avoir fait ce complot, ils me rencontrèrent tous trois dans la rue et ils surent si bien dissimuler que je ne les avais jamais cru si fort mes amis qu’alors. Nous causâmes ensemble sur ce qu’il convenait de faire le soir avant l’Ave Maria. Après quoi les deux chevaliers nous quittèrent et laissèrent Don Diégo avec moi.