Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/225

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semblait être un séraphin. Un autre, avec la bouche béante et plus ouverte que celle d’une mendiante effrontée, quoiqu’il ne proférât pas un seul mot, laissait voir par son gosier ses entrailles à son objet chéri. Un autre, collé contre la muraille, et fatiguant de son poids les briques, semblait prendre sa mesure à l’encoignure. Un autre se promenait, comme si l’on eût dû l’aimer, de même qu’un mulet, en considération de sa belle allure. On eût dit qu’un autre appelait le faucon avec un petit billet qu’il tenait à la main, comme le chasseur fait avec le leurre.

Les jaloux faisaient bande à part. Les uns, réunis en pelotons, regardaient les religieuses et riaient d’un air moqueur ; et d’autres, lisant des couplets, les leur montraient. Celui-ci, pour aiguillonner le dépit, se promenait en donnant la main à une femme. Celui-là parlait à une espèce de servante qui lui remettait un message. Tout ceci se passait en bas et de notre côté. En haut, où étaient les religieuses, c’était une chose aussi curieuse à voir. L’endroit d’où elles regardaient était une tourelle pleine de créneaux, avec un mur si fort percé à jour qu’il semblait une poudrière ou une boîte à parfums. Tous les trous étaient remplis de femmes qui étaient aux aguets. Ici on voyait une main et là un pied. Ailleurs, c’était du gibier de samedi, tel que des têtes ou des langues, quoique les cervelles manquassent. D’un autre côté, on apercevait une boutique de mercerie : l’une montrait le rosaire, une autre remuait le mouchoir ; ici, c’était un gant que l’on