Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/50

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une si grande dissimulation, j’étais prêt d’éclater ; mais je me contentai de jeter sur eux des malédictions sans nombre.

On desservit, et tous conseillèrent à Don Diégo d’aller dormir. Il voulait payer le souper, mais ils l’en détournèrent, sous prétexte qu’il serait temps le lendemain. Ils causèrent ensemble un instant, et mon maître ayant demandé son nom à l’étudiant qui le dupait, celui-ci lui répondit qu’il s’appelait Don Coronel. Que l’infâme menteur soit précipité dans le fond des enfers, en quelque endroit qu’il soit !

Ce double escroc ayant aperçu l’avare qui dormait, il dit à Don Diégo : « Voulez-vous rire ? Faisons quelque tour à ce vieux, qui n’a mangé qu’une pomme dans tout le chemin, et qui est cependant très riche. » Les ruffians applaudirent, et l’étudiant, s’étant approché du pauvre vieillard endormi, il lui prit des besaces qui étaient à ses pieds. Il les délia, et y ayant trouvé une boîte, il appela la compagnie. Tout le monde étant accouru, il l’ouvrit et y trouva des confitures sèches. Il les ôta toutes, et leur substitua des pierres, de petits morceaux de bois, en un mot tout ce qui lui tomba sous la main. Il fit ensuite son ordure par là-dessus, couronna l’œuvre par une douzaine de platras et ferma la boîte. Après quoi il dit : « Ce n’est pas là tout. Voici une outre, il faut la visiter. » Il en tira presque tout le vin, la remplit de laine et d’étoupe qu’il prit d’un des oreillers de notre carrosse, et la reboucha. Cela fait, chacun alla se