Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/51

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coucher, pour une demi-heure ou une heure qui restait, et l’étudiant resserra le tout dans les besaces, mit encore une grosse pierre dans le capuchon du caban, et s’en alla dormir.

À l’heure de se remettre en route, tout le monde s’éveilla, à l’exception du vieillard. On l’appela, mais quand il voulut se lever, il fut retenu par le capuchon de son caban. Il regarda quelle pouvait en être la cause, et l’hôtelier, voulant faire le plaisant, feignit de gronder et dit : « Par le corps Dieu ! le père ne trouve-t-il donc rien autre chose à emporter que cette pierre ? Qu’en pensez-vous, Messieurs ? Si je ne l’avais pas vu ! C’est cependant une chose que j’estime plus de cent ducats, parce qu’elle a une très grande vertu contre les maux d’estomac. » Pendant ce temps-là le bon vieux jurait et protestait de toutes ses forces que ce n’était pas lui qui l’avait mise dans son capuchon.

Les ruffians firent le compte, qui se trouva monter à soixante réaux et auquel Juan de Leganos n’aurait lui-même rien entendu. Les étudiants disaient : « De quelle utilité ne vous serons-nous pas à Alcala, puisque dès ici nous avons si bien commencé ? À présent donc que le compte est réglé, déjeunons, et mangeons un morceau. »

Le vieillard se mit en devoir d’en faire autant. Il prit ses besaces, les délia en cachette sous son caban, afin que nous ne vissions pas ce qu’il en tirait, et pour n’être pas obligé d’en faire part. Il saisit un plâtras couvert d’excréments et le porta à sa bouche ;