Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/56

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Mon maître fut très bien accueilli de quelques boursiers qui connaissaient son père, et il entra dans la classe où il devait être. Mais moi, qui devais aller dans une autre, et qui me trouvais seul, je me sentis saisi de quelque frayeur. J’entrai dans la cour, et je n’y eus pas plus tôt mis le pied que les écoliers m’envisagèrent et commencèrent à dire : « Voici un nouveau venu. » À dessein de les dépayser, je me mis à rire, comme pour leur donner à entendre qu’ils se trompaient ; mais cela ne servit à rien. Huit ou neuf vinrent à moi, en affectant un air moqueur. Je rougis, et plût à Dieu que cela ne me fût pas arrivé ! Car à l’instant un d’eux, qui était à côté de moi, porta les mains à son nez et dit, en s’éloignant : « C’est un Lazare ressuscité, tant il pue ! » Tous les autres s’écartèrent aussitôt, en se bouchant les narines. Dans la vue de me tirer d’embarras, je me serrai pareillement le nez avec mes mains, et je leur dis : « Messieurs, vous avez raison, il pue très fort. » Ils répondirent à cela par des éclats de rire et en s’éloignant. Il y en avait déjà bien un cent de rassemblés. Ils commencèrent à faire résonner leurs poitrines, et à sonner la charge. À leur tour et à leur manière d’ouvrir et de fermer la bouche, je compris ce qu’ils me préparaient. Au même instant un d’eux, qui était de la province de la Manche, et fort enrhumé, me fit le cadeau de me lancer une expectoration terrible, en disant : « Je commence. » Voyant alors à quoi j’allais être exposé, je m’écriai : « Je prends Dieu à témoin que… » J’allais achever, mais ils en