Page:Quevedo - Don Pablo de Segovie.djvu/62

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réussir par cette voie, l’un d’eux se mit à dire : « Juste Ciel ! Comme il pue ici ! » Don Diégo en dit autant ; et cela était vrai. Ils cherchèrent tous ensuite dans la chambre s’il n’y avait pas quelque bassin de commodité, et ils disaient : « On ne peut pas tenir ici ! » – « Nous voilà bien, ajoutait un d’eux, pour des gens qui ont à étudier ! » Ils visitèrent les lits, les dérangèrent pour voir s’il n’y avait rien dessous, et dirent enfin : « Il y a sans doute quelque chose sous celui de Pablo. Passons-le dans un des nôtres, et regardons dans le sien. »

Réduit dans cette détresse, et les voyant prêts à exécuter leur projet, je feignis d’avoir mal au cœur. J’embrassais les bois de lit, et je fis des contorsions. Mes camarades, qui savaient le mystère, insistèrent tous en disant : « Qu’il est à plaindre ! » Mon maître me prit le petit doigt, et enfin ils m’arrachèrent du lit et m’emportèrent entre eux cinq. Quand ils levèrent les draps, ils éclatèrent tous si fort de rire, en voyant les nouveau-nés qui n’étaient cependant pas des pigeonneaux, mais de gros pigeons, que toute la chambre en retentit. « Le pauvre diable ! » s’écriaient ces hommes pervers. Comme je fis alors semblant d’être évanoui, ils dirent à Don Diégo : « Tirez-lui fortement, monsieur, le doigt du cœur. » Et mon maître, croyant me faire du bien, le tira tant qu’il me le disloqua. Ils se disposèrent aussi à me donner le fouet, et ils disaient : « Qu’il est digne de pitié ! Il vient sans doute de se salir ainsi quand il s’est trouvé mal. » Qui pourra s’imaginer ce qui se