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DU MANGEUR D’OPIUM

bruit qu’un certain gentleman, quelques-uns allaient jusqu’à le nommer, — un colonel, s’était caché, dans un certain but, dans la cabine de pilotage. D’autres observations indiquèrent que l’affaire n’était pas absolument un secret pour les domestiques de la dame. Je me rappelai l’histoire du prince, Camecalzaman je crois, et de son frère dans les Mille et une Nuits. Mais l’impression que cela nous fit en cet endroit, fut défavorable aux femmes en général, car pour nous deux, cette histoire ne faisait que proclamer une morale déjà assez connue, savoir que les femmes du rang le plus haut comme le plus bas sont également exposées à se trouver dans des situations où il y a du danger et des tentations. Je pourrais rapporter maintes autres circonstances qui aggraveraient l’affaire de la dame, mais comme elles la désigneraient d’une manière trop précise à ceux qui connaissent son histoire, je m’en abstiendrai. Depuis, elle a fait du bruit dans le monde, et elle a conservé une réputation assez bonne, à ce que je crois. Le lendemain, peu après le lever du soleil, par une superbe matinée de juin, nous jetâmes l’ancre, dans la fameuse baie de Dublin. Il faisait un calme plat, la mer était unie comme un lac, et comme nous étions à plusieurs milles du Pigeonnier, on arma un bateau pour nous débarquer. La belle dame, ne se doutant pas que nous connaissions le secret de sa faute, vint avec nous, accompagnée de ses nombreux domestiques, elle avait l’air aussi belle, et presque aussi innocente qu’un ange. Longtemps après, Lord W— et moi nous la rencontrâmes, s’appuyant sur le bras de son mari, un brave homme à l’air viril, aux manières polies, auquel elle nous présenta, car