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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

d’un gentleman. Quant à son instruction, il en avait à peine assez pour savoir écrire son nom. Ses passions étaient furieuses, et toute sa conduite semblait marquée d’un caractère de rudesse et d’insolence. Mais en l’observant de plus près, on croyait s’apercevoir que cette rudesse était en grande partie simulée avec art, dans le but d’obtenir par la terreur l’obéissance empressée à ses commandements. — L’Évêque fut un des premiers qui eurent lieu de constater cette vérité. »

L’occasion particulière, à laquelle l’Évêque fait allusion ici, naquit des premiers efforts tentés pour opérer le débarquement des munitions et des approvisionnements militaires qu’avait apportés le convoi français et aussi pour les mettre en marche après le débarquement. L’affaire était d’une urgence extrême, et il faut faire ici la part de la situation difficile du général français. À chaque moment il fallait s’attendre à voir paraître les croiseurs anglais ; — deux convois importants avaient déjà manqué leur but de cette manière, et la certitude absolue, connue de tous, que tout délai dans ces circonstances, était synonyme d’un désastre, qu’une différence de dix ou de quinze minutes en plus ou en moins pouvait décider du sort de toute l’expédition, cette conviction, dis-je, donnait évidemment, en ce moment critique, un air de trahison à la moindre marque d’hésitation. On ne put trouver ni bateaux, ni chars, ni chevaux ; leurs possesseurs avaient poussé l’imprudence et l’égoïsme jusqu’à les soustraire à cette corvée. Réduit à cette extrémité, le général français rendit l’Évêque responsable de l’exécution de ses ordres. L’Évêque n’avait réellement aucun moyen de se faire obéir, et il échoua. Alors le