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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

Voilà ce que j’avais à dire sur l’aristocratie de nos Universités anglaises. Leur gloire, et la plus heureuse application qu’elles font de leur immense influence, c’est qu’elles ont la faculté de s’organiser d’une manière républicaine, en ce qui regarde leur régime intérieur. La littérature, en donnant aux rangs une hiérarchie différente, tend vers l’égalité républicaine. Pour en donner un exemple tiré de ce qui concerne la question des famuli, qui a servi de point de départ à cette discussion, on saura que la classe des serviteurs, qui jadis formait un corps nombreux à Oxford, a en réalité disparu graduellement grâce à l’esprit libéral qui s’est répandu peu à peu en ce siècle. Les serviteurs portaient sur leur costume académique un insigne de leur infériorité. Ils servaient à table les étudiants de rang plus élevé ; ils s’acquittaient de différentes besognes domestiques, humiliantes par elles-mêmes, et qui, dans les derniers temps, paraissaient non moins humiliantes aux yeux de ceux qui s’intéressaient au prestige et aux avantages de l’instruction. Le goût meilleur, ou plutôt la diminution de la pression exercée par le préjugé aristocratique, grâce aux immenses progrès du commerce et des hautes spécialités de l’art mécanique, ont fait tomber peu à peu en désuétude les fonctions de cet ordre, quand même la loi n’aurait pas permis sa suppression formelle. En mon temps, je connaissais deux famuli ; mais l’un d’eux fut rapidement poussé vers une situation plus élevée ; quant à l’autre, il ne connaissait d’autre humiliation, — mais celle-là, il la ressentait vivement, — que celle d’être remarqué dans la rue par les jeunes femmes, à cause de sa veste dépourvue de gland, mais il s’arrangeait pour y