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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

liures en rapport avec leur état de santé, à ce que me dit quelqu’un, en ajoutant comme explication que quand un livre était rongé par les vers, ou que même il ne présentait que quelques piqûres, le roi veillait à ce que le dommage n’augmentât pas, et plus encore à ce qu’il ne s’étendît pas à d’autres par l’effet du voisinage. Bien des gens admettent en effet que ces causes font des ravages rapides dans certains cas favorables. Une des personnes qui me donnaient des renseignements était un relieur allemand d’une haute respectabilité, établi à Londres et employé comme digne de toute confiance par l’Amirauté, depuis bien des années, à relier des documents ou pièces qui contenaient des secrets administratifs, etc. Cette circonstance l’avait fait recommander à Sa Majesté, qu’il voyait à chaque instant, lorsqu’elle se trouvait à Buckingham-House, où étaient réunis les livres. Ce relieur avait depuis longtemps, grâce à sa profession, appris à bien connaître la valeur commerciale des livres anglais, et c’est une connaissance qui ne peut s’acquérir sans y joindre jusqu’à un certain point celle de leur sujet et de leur valeur intrinsèque. Il était donc assez compétent pour juger jusqu’à quel point un homme avait de la lecture, et je reçus de lui des détails fort précis de bien des conversations qu’il avait eues avec le roi, conversations qu’il me rapportait avec une bonne foi et une sincérité absolues, et qui me prouvèrent que le roi avait une connaissance très générale de la littérature anglaise. Quand le roi était à Buckingham-House, il ne passait pas un jour sans venir à l’atelier de reliure examiner attentivement le travail du relieur et de ses aides, les doreurs, les outilleurs, etc. De l’intérieur d’un livre on