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DU MANGEUR D’OPIUM

gue ziph demande beaucoup de temps. Il faut très peu de pratique pour arriver à la parler très vite si bien que moi-même, après avoir renoncé à son emploi depuis plus de trente ans, je puis encore parler ziph sans la moindre difficulté. Je ne sais plus si dans la description que fait l’évêque de Chester de cette langue secrète, la consonne intercalée est le G ou une autre. Il est évident qu’on peut se servir pour cela de F, de L, ou de n’importe quelle consonne.

C’est dans cette langue savante que mon ami et moi nous échangions nos impressions ; après être restés deux heures, temps qui suffisait largement pour exprimer combien nous étions sensibles à l’honneur qu’on nous avait fait, nous partîmes, et en arrivant sur la grande route, en plein air, nous jetâmes en l’air nos chapeaux en poussant des cris, non pas pour témoigner aucun manque de respect, mais par besoin irrésistible d’exprimer le plaisir que nous éprouvions d’avoir recouvré notre liberté.

Je revis le roi, et toujours avec un nouvel intérêt, pendant quelques minutes à une autre fête donnée par lui, et deux fois en des circonstances différentes, avant notre départ définitif d’Eton. Il était bon pour tout le monde, — condescendant et affable au point que je dois m’en souvenir avec une reconnaissance personnelle, et je l’ai entendu dire une chose qui, même alors, et à plus forte raison quand je fut capable de réfléchir plus profondément, lui gagna mon respect. J’ai toujours vénéré un homme dont on peut dire avec vérité qu’il a éprouvé une fois, une seule fois l’amour jusqu’au désespoir, je veux dire, quand il l’a ressenti avec une telle violence que, dans certaines