Page:Régnier - Escales en Méditerranée.djvu/156

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sont là, ces robes, drapées sur des mannequins sans tête et surmontées de turbans. Il y en a, de ces turbans, de toutes les formes, les uns simples coiffes de guerre, les autres véritables édifices démesurément surélevés. Certains ont la forme de courges et de citrouilles et à leur dôme côtelé s’enroulent de somptueuses étoffes où s’implantent des plumes et des aigrettes aux agrafes de pierreries. Des pierreries aussi étincellent aux pommeaux des poignards passés dans les ceintures de soie dont les pans se perdent dans la richesse des brocarts. Nous quittons l’étrange assemblée de ces fantômes d’étoffe, dont le premier fut Mahomet II et le dernier le Sultan Mahmoud. Laissons-les se concerter sur leur néant en leur magnificence acéphale, traversons la salle du divan où, à travers une fenêtre grillée, audience était donnée aux ambassadeurs et retournons-nous pour voir le gardien des scellés. Une bougie à la main, il fait fondre la cire où il appliquera, aux serrures dûment refermées, l’empreinte que nul autre que lui n’a le droit de briser, puis, de la Bibliothèque, allons au Kiosque de Bagdad y goûter une cuiller de confitures de roses et y fumer une cigarette. Revenus dans la cour des Janissaires, au pied de l’antique platane, nous prenons congé des deux brillants officiers. Leurs