Page:Régnier - Escales en Méditerranée.djvu/48

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lesquels nous allons. Il y a aussi, dans un coin de la vaste pièce, tout ce qu’il faut pour écrire. Écrire à qui ? On se sent si délicieusement, si égoïstement détaché de tout. Écrire à qui, sinon à quelque Néréide, à quelque Princesse lointaine ? Et le message, qui le portera ? Quelque mouette obéissante, quelque dauphin bien stylé.

Je suis monté sur la passerelle. Un double escalier à rampe de cuivre y conduit. De là on domine tout l’avant du yacht et toute l’étendue de la mer. Là, veille l’officier de quart. De là partent les ordres et les sonneries qui dirigent et commandent la manœuvre. Là, sous son épaisse coupole de verre qui la protège et qu’éclaire, la nuit, une lampe électrique, s’arrondit la boussole, « le compas », comme l’on dit en langage de mer ; là vacille la sensibilité aimantée de son aiguille ; là, le timonnier tourne la roue qui régit le gouvernail. Derrière lui, adossées aux éléphantesques manches à air qui semblent faire escorte à la cheminée trapue est « la chambre des cartes ». Sur un pupitre est étalée, fixée par quatre punaises, celle de la route que nous suivons et qui nous conduira bientôt en vue de terre sur ce bel instrument de plaisir où tout est « ordre et beauté », comme dit Baudelaire en son Invitation au voyage, et qui cache en