Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/331

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et j’ai presque été sur le point de me dédire de ma promesse, mais le pauvre Kérambel en aurait été navré. Il tient à me montrer les marques de sa nouvelle prospérité. Et puis, Antoine se serait moqué de moi. Depuis quelques jours, il me traite avec un mélange quelque peu agaçant d’ironie et de commisération. Je sens, lorsque j’accompagne Mme de Lérins et que je lui rends quelques menus services, qu’Antoine me plaint de mon « esclavage ». Quand Yves de Kérambel a parlé devant lui de la courte absence que nous devions faire ensemble, Antoine a pris un air d’incrédulité exaspérante. Il ne me voyait pas m’éloignant, même pour quelques heures, de Mme de Lérins. Cette attitude a été pour beaucoup dans mon acceptation définitive. L’homme le plus amoureux ne se dépouille jamais entièrement de tout respect humain. Aussi ai-je sottement voulu prouver à Antoine que je pouvais « me passer », quand il le fallait, de Mme de Lérins, et j’ai consenti à la proposition d’Yves. Quant à Antoine, invité à prendre part à notre expédition, il a préféré rester sur le yacht.


22 juillet. Alger. — Yves de Kérambel avait parlé hier à Antoine des curieux faiseurs de tours que le chaouch Hassan l’avait mené voir. Antoine les a fait venir, ce soir, à bord, après dîner. Une fois descendus de la barque qui les amenait, ils se sont groupés sur le pont. Ils étaient cinq, d’âges diffé-