Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/59

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

eût épousé mon père quand il était jeune, peut-être fût-elle parvenue à le modifier, mais il avait près de quarante ans lorsqu’il se maria. C’était trop tard. Ma mère s’en aperçut à de nombreux indices. Elle en riait en me racontant les circonstances qui firent de moi un Pouliguenois, sinon de naissance, du moins de première enfance.

Mes parents, quand je naquis, habitaient Paris, et j’avais trois ans, lorsque les circonstances en question se produisirent… Ma mère, de descendance nantaise, avait à Nantes un cousin éloigné. Ce cousin, beaucoup plus âgé qu’elle et qui ne lui avait jamais marqué aucun intérêt, mourut en la faisant son héritière. La fortune qu’il lui laissait n’était pas considérable et le principal consistait dans une petite propriété appelée « la Lambarde », située dans la commune d’Escoublac, à quelques kilomètres du Pouliguen. Cet héritage détermina mes parents à faire le voyage de Paris à Nantes. Comme on était au printemps, ils m’emmenèrent avec eux. De Nantes, ils poussèrent jusqu’au Pouliguen, où ils s’installèrent à l’hôtel dans l’intention d’y passer quelques semaines.

Ce fut alors que se fit voir clairement le singulier caractère de mon père. Lui, d’ordinaire si indécis, il se prit d’affection subite pour ce coin de la côte bretonne et pour ce petit domaine de la Lambarde. Un beau jour, mon père déclara à ma mère sa décision de ne plus retourner à Paris. Ma mère ne fit pas d’objection. Elle était heureuse de voir mon père désirer si vivement quelque chose. Il