Page:Régnier - L’Amphisbène, 1912.djvu/60

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fut donc convenu que l’on habiterait la Lambarde ; seulement, auparavant, il fallait la rendre habitable. Elle était fort délabrée et elle avait besoin de sérieuses réparations. Mon père se faisait fort de les mener rapidement. Ma mère, ravie de ce zèle, de cet intérêt que montrait mon père pour ce projet, s’y prêtait avec plaisir, d’autant plus que la Lambarde pouvait devenir, avec assez peu de frais, une charmante demeure.

C’était, en effet, une de ces gentilhommières comme l’on en trouve beaucoup en pays breton. Elle se composait d’un logis à fenêtres sculptées, flanqué d’une grosse tour ronde. De là, on dominait une vaste étendue de marais salants et de dunes, au delà desquels on apercevait la mer. La Lambarde était entourée d’un beau jardin potager planté d’arbres à fruits et que prolongeait un petit bois de chênes verts. L’aspect du domaine était agreste et vétuste, en ce paysage d’une grâce triste, en même temps paludéen et marin, verdoyant et sablonneux.

Mais ma mère avait compté sans le bizarre caractère de mon père. Quand il se vit obligé de réaliser son projet de mise en état de la Lambarde, il commença à s’attarder en atermoiements et en hésitations de toutes sortes… Néanmoins, il parlait chaque jour de la Lambarde et d’y « mettre les ouvriers ». Puis, peu à peu, il cessa d’aborder ce sujet. Si ma mère l’y ramenait, il prenait un air malheureux ou vexé. Ma mère avait fini par accepter cette situation et tâcha de s’accommoder