Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/132

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nos âmes grimace sur son masque qui les représente. Son aspect se façonne à notre image et nous voyons en lui notre ressemblance intérieure. Si misérables que nous soyons, et bien qu’il participe à notre misère, son insuffisance et sa difformité sont encore désirables. L’amour reste l’amour. Nous l’aimons tout contrefait qu’il soit.

Imagine alors, ô Hermas, sa beauté si, au lieu de se grimer en des cœurs ténébreux, il se dénudait en des âmes radieuses. L’amour doit être l’hôte de la sagesse, mais son flambeau doit éclairer, à l’intérieur de nos songes, des voûtes merveilleuses, en diamanter les grottes de toute l’anxiété des stalactites du silence ; alors tout flamboiera d’une chaste fête de clarté et, à des aurores souterraines, d’entre les pierres, pousseront d’inflexibles lys. D’ordinaire, sa lampe incertaine ne hante que des tombeaux ou des antres. Les hiboux trempent leurs griffes dans l’huile funéraire ; d’obscènes satyres miment, en ombres bestiales, sur les parois, l’imposture du dieu.

L’amour est l’hôte de la sagesse et je pars lui préparer sa demeure. J’ai consulté le passé et le présent ; tu me reproches de ne pas m’être