Page:Régnier - La Canne de jaspe, 1897.djvu/133

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assez consulté moi-même, d’avoir lu trop de livres et d’avoir, à la hâte, heurté à la porte des sages. La sagesse, me disais-tu, n’est pas errante : elle séjourne et fait semblant de dormir ; elle ne dort pas dans un château de pierre au milieu de la forêt. Son attentive patience nous écoute en nous ; elle répond à nos auscultations intérieures.

Hélas ! mon ami, je suis resté sourd à ma propre oreille : j’ai besoin qu’on parle pour entendre mon silence et j’ai dû être un passant pour aller à la rencontre de moi-même. Il y a des voies, il y a des clefs que cachent des mains mystérieuses. Ah ! j’en suis sûr, il y a des portes qu’elles ouvrent, et des semailles étrangères et hasardeuses produisent l’épi consécrateur de notre propre fécondité. Plains-moi, Hermas, de recourir à l’aide des sages pour devenir l’un d’eux : il le faut pour aimer, car la sagesse peut seule exorciser l’amour du sortilège où il s’atrophie. J’aime Hertulie, mais je refuse à notre amour le sort de se parodier. Je pars : il y a des étoiles au ciel et je pleure. Hertulie pleurera. Je reviendrai. Qu’elle aille te voir quelquefois dans ta maison silencieuse.