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les médailles d’argile


Un invisible pas, de parterre en parterre,
A parcouru les fleurs, la grotte et le bosquet,
Hôte mystérieux, visiteur solitaire,
Taciturne passant parmi l’écho muet !

C’est lui qui, sur le seuil de la maison fleurie
A cueilli cette rose aux pétales de feu
Dont la pourpre sanguine, amoureuse et meurtrie,
Garde la marque encor de la lèvre d’un dieu.

Il n’a pas refermé la porte encore ouverte
Par où l’odeur du soir est entrée avec lui
Et rôde longuement en sa langueur inerte
Qui s’attarde à le suivre et qui partout le suit.

Je l’ai suivi, le cœur battant dans ma poitrine,
À son souffle inégal de palier en palier,
Et je l’entends marcher dans la chambre voisine,
Fantôme insaisissable et partout familier.

Voici le lit, la lampe et le masque de cire
Que le miroir regarde et qui seul lui répond !
Et quelle main, hardie au sommeil qui l’attire
A répandu ton huile, ô Lampe, et sur quel front ?