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DIONYSIAQUE


J’ai parcouru la terre et j’ai cherché les Dieux.
Elle est toujours pareille au limon fabuleux
D’où sortirent jadis les figures divines.
L’automne encor mûrit aux pentes des collines
La grappe lourde au cep et vineuse au pressoir.
Mais les vendangeurs las qui passent dans le soir
Au bruit de leurs sabots gras de glèbe et de boue
Marchent la tête basse et poussent à la roue
Et mènent tristement, courbés sous leur fardeau,
Des treilles de la vigne aux tonnes du caveau,
Le char de la Vendange inerte et taciturne…
L’amphore entre leurs mains est triste comme une urne ;
Le pressoir en tournant gémit, et c’est en vain
Que sous les talons nus ruissellera le vin ;
Nul ne célèbre plus son ardeur ou rougeoie
Le rire de l’amour et le feu de la joie
En foulant le raisin que trépigne l’orteil !
Je ne vois plus le bras énergique et vermeil
Hausser farouchement, comme en l’antique orgie,