Page:Régnier - Les Médailles d’argile, 1903.djvu/92

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La corbeille empourprée et la serpe rougie,
Ni le Dieu qui menait la rieuse fureur
Des torses enlacés et des seins en sueur
Et qui, svelte en sa chair toujours adolescente,
Guidait du thyrse haut la fête renaissante
Et, la grappe à la bouche et les pampres aux reins,
Ruait, avec des cris, vers les pommes de pin
Qu’il jetait à travers leur foule échevelée,
En une furieuse et sonore mêlée,
Les Ménades en sang et les Silènes ivres.

Comme un sourd tambourin de cuir dur et de cuivre,
Le vent gronde toujours au fond de la forêt ;
Il rôde, se reprend, s’étire et l’on dirait,
À l’entendre à travers les branches, doux et rauque,
Mystérieux, sournois et souple, qu’il évoque,
Dans la rousse splendeur de l’automne qu’il mord
Et meurtrit de sa dent et de sa griffe d’or,
Les grands tigres striés qui sous le joug bachique
Traînaient le char du Dieu debout et frénétique
Dont le sommeil repu à l’âpre et fauve appui
Du beau flanc qui s’enflait et respirait sous lui
S’étendait en sentant sur sa bouche gorgée
Passer le souffle chaud de la bête allongée
Dans l’herbe ténébreuse où, jusques au matin,
S’endormait leur repos bestial et divin.