Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/115

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
115
LA DOUBLE MAÎTRESSE

Mme du Fresnay, au contraire, tenait beaucoup à ce que la mise de l’enfant fît valoir sa gentillesse naturelle. Aussi veillait-elle, elle-même, à l’ajuster. Elle n’en restait pas là et s’inquiétait également de sa croissance, de sa taille et de son teint et se souciait de la trouver en bonne formation. À son retour elle ne manquait pas de lui en faire subir une sorte d’examen, la palpant et la retournant en tous sens, afin de se rendre un compte exact de l’état de toute sa petite personne.

Julie se prêtait volontiers et avec patience à cette revue. Elle aimait la parure, ayant tôt remarqué que les vieux amis de M. du Fresnay considéraient déjà sa jolie mine. Ils contribuaient à l’embellir par de petits présents de toilette et par le don de menus bijoux.

Tout alla bien ainsi jusqu’à ses treize ans. Cette année-là, elle revint de Pont-aux-Belles fort enlaidie, et tous les soins de Mme du Fresnay n’y purent rien changer. Elle était grandie de plusieurs pouces, mais son corps et sa figure étaient pour ainsi dire en désordre. Sa croissance se faisait en désaccord. C’était le moment de l’âge ingrat, et l’ingratitude de Julie fut remarquable. Avec cela elle devint mélancolique. On chercha en vain à la distraire. Elle, si expansive, se renfermait. De gracieuse elle se rechigna, et les bons du Fresnay la virent repartir pour Pont-aux-Belles avec quelque inquiétude. Julie prétendait vouloir entrer au couvent et ils craignaient que les sermons de Mme de Galandot ne la poussassent en cette voie.

Le pauvre Nicolas eut à subir pendant trois mois