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LA DOUBLE MAÎTRESSE

d’elle. Ni les plaisirs, ni les tourments ne lui arrachèrent jamais de pleurs. La volupté même l’enivra sans l’attendrir et elle n’offrit jamais à l’amour que le sourire de sa belle bouche.

Un jour que M. du Fresnay montait à la chambre de Julie pour lui proposer une de ces parties au pavillon, il trouva la porte entrebâillée et il la poussa sans faire de bruit. Mlle de Mausseuil se tenait debout et le dos tourné, un miroir d’une main. Ses cheveux frisaient sur sa nuque. Elle était en corset et M. du Fresnay vit, reflétés dans la glace, un fin sourire et une gorge charmante qu’elle y mirait et où elle touchait d’un doigt étonné la pointe naissante de son petit sein bien formé.

M. du Fresnay referma la porte doucement, descendit l’escalier en fredonnant et sortit dans le jardin. Il faisait doux. Les massifs bourgeonnaient. Mars finissait en ondées tièdes et en chaud soleil. Il se sentit guilleret et dispos et résolu à brusquer ce qu’il appelait en lui-même le printemps de Julie.

L’occasion se présenta belle.

Il n’était bruit dans le pays que de l’arrivée et du séjour à la ville du régiment de Royal-Lorraine que des rumeurs de guerre et des marches de troupes y avaient amené. M. Le Melier qui avait assisté à l’entrée de cette cavalerie n’en tarissait pas et répétait sur sa vielle la sonnerie militaire des trompettes. C’était, en effet, un fort beau régiment que celui de Royal-Lorraine, le seul qui, de tout le royaume, portât des bourses blanches à