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LA DOUBLE MAÎTRESSE

pu prendre quelque idée de sa taille ou de sa mine.

Il s’en étonnait sans savoir ce qui avait empêché que l’oncle parût là, même en peinture. Il ne subsistait, en effet, entre les Portebize et leur cousin, d’autre lien que celui de la parenté dont la force durable et imprévue venait de se faire sentir de la façon la plus heureuse, car le vieux gentilhomme, en mourant à Rome où il s’était retiré depuis de longues années, laissait ses biens à ce petit-neveu.

Aussi François était-il encore tout abasourdi de cette aubaine. Le peu de chances à cet héritage en rendait la surprise plus agréable encore, et l’heureux héritier ressentait le plaisir qu’il y a à se réveiller un beau matin, et d’un seul coup, solidement riche.

Jamais donc M. de Galandot ne lui parut plus vivant que maintenant qu’il était mort. Le jeune homme cherchait à se représenter exactement son bienfaiteur inattendu, mais il manquait, comme on voit, des secours ordinaires qui aident en pareil cas notre incertitude au sujet de quelqu’un qui prend pour nous un intérêt subit ; et il se tourmentait en vain pour s’imaginer comment pouvait donc bien être ce Galandot d’Italie qui mourait si juste à point pour un Portebize de France, et, faute de mieux, il en était réduit pour toute ressource à ne se le figurer autrement qu’à l’effigie des écus dont ce favorable trépas faisait tinter à ses oreilles le bruit argentin. Il lui voyait le profil d’une monnaie et ainsi le trouvait fort beau.