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LA DOUBLE MAÎTRESSE

François de Portebize l’était aussi. C’était un garçon de vingt-cinq ans, joli à voir sous son uniforme vert à parements rouges, le catogan bien tressé et noué, sur la nuque, d’un ruban noir. Sa tournure militaire faisait se retourner les femmes quand il passait sur la place en compagnie de MM. de Créange et d’Oriocourt, ses inséparables à la parade comme au tripot. Ils se montraient experts, tous trois, aux jeux d’amour et de hasard. Ils y faisaient brelan et chacun marquait cœur à son tour. Tous trois pauvres d’ailleurs, car, si les profits de l’épaulette sont minces, ceux des cartes sont incertains ; aussi, ne possédait-il guère, comme ces Messieurs, que le bien d’une bonne mine et d’une fort bonne naissance, car il était de noblesse prouvée et de taille agréable.

Il s’y ajoutait, de plus, la chance d’être le fils d’une jolie femme dont son père, le gros Portebize, n’avait point dédaigné l’avantage d’être le mari en épousant, déjà sur le retour, la belle Julie de Mausseuil, de qui était né le beau François.

Du reste le singulier mariage de cette gracieuse personne et de ce libertin ventru avait eu ses raisons dans l’entremise de la vieille Mme de Galandot, tante de Julie, qui s’y employa comme nous dirons. L’affaire bâclée, la nouvelle mariée suivit à Paris son époux que les écus de la dot qu’on lui compta aidèrent à reprendre figure.

Celle de sa femme était trop charmante pour qu’on n’y fît pas attention, et Portebize fut attentif à tirer profit de l’émotion que produisaient ce