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LA DOUBLE MAÎTRESSE

faire un pas. Il fallait alors qu’il la soutînt. Pour l’aider, il touchait sa taille souple. On avançait péniblement. Alors Nicolas proposait de la porter jusqu’au banc. Elle acceptait en minaudant, se faisait lourde, pesait de toute sa chair sentie à travers l’étoffe, de tout son corps inerte et comme engourdi de sommeil.

Le temps de la canicule qui survint et fut fort chaud mit un arrêt à leurs ébats. Il fallut trouver des jeux plus tranquilles, et Julie en inventa de plus voluptueux. Elle se fit lasse, tendre et nonchalante. Souvent ils passaient l’après-midi sous les arbres, étendus sur le tapis de lierre. Il rôdait là une odeur amère et forte. Julie finissait par s’endormir et Nicolas regardait de tout près son joli visage au repos où il n’y avait plus ni malice ni hardiesse, mais seulement la fraîcheur toute simple de la plus belle et de la plus délicate jeunesse.

Enfin la chaleur, tout en restant forte, se relâcha un peu dans les jours qui suivirent. Nicolas avait passé une partie de l’après-midi avec sa mère. Mme de Galandot se trouvait assez mal ce jour-là et elle avait dû garder son fils auprès d’elle pour lui dicter une lettre à Me Le Vasseur, le notaire, au sujet de baux à renouveler. Ces dictées qui avaient lieu quelquefois excédaient Nicolas qui ne comprenait rien au jargon des affaires dont sa mère l’avait avec soin tenu à l’écart. Vers quatre heures pourtant, la besogne achevée, il put sortir pour rejoindre Julie qui devait l’attendre près du Miroir d’eau ou du Petit Bassin.