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LA DOUBLE MAÎTRESSE

Elle y était et Nicolas, en pensant au vieil Hilaire, frémit de la voir, car, en venant, elle avait dû dévaster la roseraie à en juger par le nombre de roses qui jonchaient la terre à ses pieds. Il y en avait de pourpres et de rouges, des blanches, doubles ou simples, et d’énormes, couleur de soufre. Elles formaient devant elle un amas embaumé d’où elle les prenait pour les joindre en une couronne. Quelques-unes, trop épanouies, s’effeuillaient et elle en réunissait les pétales dans une corbeille de jonc où elle les respirait en souriant. Parfois elle en lançait une poignée au visage de Nicolas, assis auprès d’elle et qui, d’une pichenette, en débarrassait la dentelle de sa manchette.

Quand elle eut fini, elle se mit doucement à ôter ses souliers. Nicolas la regardait faire avec étonnement. Ses pieds apparurent hors de ses bas enlevés. Ils étaient petits et blancs et quand, debout, elle reposa sur leur appui, une mince veine se gonfla bleue sur la chair rosée. Nicolas les admirait silencieusement. Ils étaient frémissants et finement nerveux, un peu recroquevillés au contact du sable ; l’ongle de l’orteil ressemblait à une petite coquille polie.

Une fois debout, elle troussa en rond sa jupe et Nicolas vit ses jambes nues. Le mollet, rebondi, supportait un genou lisse. Au-dessus du genou, la chair de la cuisse se montrait, plus blanche encore, déjà secrète.

Elle agissait avec une impudeur tranquille et souriante. Grâce aux pluies abondantes de l’hiver